Portrait: Carole

Elle danse, Carole. 

Elle danse et ses pieds marquent la cadence du temps, de la fuite inébranlable d’un temps qui meurtrit. 

Elle danse, Carole. 

Elle danse pour un peuple que l’on oublie et que l’on égorge, elle tend sa main vers ceux qui tombent et elle s’étire, s’étire pour apporter un semblant de dernière grâce à ceux à qui l’on ferme les yeux. 

Elle danse, Carole, elle danse et elle mime l’agonie pour faire comprendre l’horreur, elle danse et ses cheveux s’affolent à mesure qu’elle tourbillonne, à mesure qu’elle se perd dans les méandres de la souffrance. 

Elle s’étend de tout son long pour bâtir un pont d’amour entre eux et nous, pour prendre un peu de leur douleur et envoyer de l’espoir, son corps vecteur de tendresse, raide comme la corde de l’arc, elle envoie ses flèches de solidarité aussi loin qu’elle le peut, par delà la barbarie et la honte, la portée de son archée plus grande et plus forte que les divisions factices. 

Elle danse, Carole, et ses pas martèlent le sol pour faire écho aux marches de la liberté, ses hanches se meuvent et clament leur arabité, Arabe, tu m’entends, tous Arabes, tues-en un vois-nous tous surgir! 

Elle danse, Carole, chaque filaments de nerfs et de coeur noués en une force souple et flexible, elle danse et chaque ondulation de son corps appelle au réveil des consciences, au lever de bouclier contre l’arrogance des tyrans et l’indifférence des hypocrites. 

Elle danse, Carole, les hurlements de haine du dehors ne l’atteignent pas. Elle a une mission: danser pour un peuple, utiliser son corps pour en sauver d’autres. 

Elle danse, Carole comme d’autres lèvent le poing, et avec un dernier rond de jambe elle quitte la scène, laissant chaque coeur vibrer au rythme du 3oud qui l’accompagne, chaque battement en parfaite harmonie, le concert de la liberté.